Paysages et territoires : comprendre les grandes unités géographiques du Mâconnais

17/06/2025

Un territoire multiple entre Saône, vignes et monts

Le Mâconnais s’étend au sud de la Bourgogne, entre la rive droite de la Saône et les premières lignes des Monts du Beaujolais, sur environ 1 300 km. Cette région forme une sorte de charnière naturelle : elle relie la vallée de la Saône, riche plaine alluviale, aux reliefs plus escarpés du Val Lamartinien et des monts du Haut Clunisois. Ce découpage géographique marque l’identité du territoire, autant dans les paysages que dans l’histoire, l’économie ou la culture locale.

Contrairement à certaines régions françaises dont le relief s’impose d’un seul bloc, le Mâconnais se distingue par une mosaïque de paysages : plaines fertiles, plateaux calcaires, coteaux viticoles, collines boisées et massifs rocheux. Cette variété est tout sauf anecdotique : elle a façonné le vignoble, influé sur les itinéraires de circulation, et conditionné la répartition des villages.

La vallée de la Saône : grande plaine alluviale au seuil de Bourgogne

À l’est du Mâconnais s’étire la vallée de la Saône, qui fonctionne comme porte d’entrée sur la région. Large, plate et ponctuée d’étangs, la vallée de la Saône dessine un paysage agricole où dominent les cultures céréalières, les prairies de fauche et les pâturages. L’altitude y avoisine 170 à 200 mètres, soit le point le plus bas du département de Saône-et-Loire.

  • Aspect économique : Grande zone de production agricole, en particulier de maïs, de blé, mais aussi d’élevage (bovins, charolais).
  • Rôle historique : Voie commerciale majeure depuis l’Antiquité, la Saône a longtemps été le principal axe de transport nord-sud, bien avant le rail et l’autoroute A6.
  • Paysages marquants : Village de Saint-Laurent-sur-Saône, port de Mâcon, plaines inondables en hiver lors des crues.

Cette partie du Mâconnais offre parfois une image qu’on associe à la Bresse voisine, mais elle reste un seuil naturel majeur pour les échanges entre les plaines du nord et le couloir rhodanien vers le sud.

Les côtes viticoles du Mâconnais : une entité phare du paysage

Le cœur géographique et symbolique du Mâconnais est occupé par une succession de « côtes » : des pentes douces orientées est/sud-est, où s’étagent depuis des siècles les célèbres vignes du Mâconnais. Entre Azé, Igé, Fuissé, Solutré et Loché, ce sont près de 6 800 hectares cultivés (source : BIVB), soit la plus vaste surface viticole de Saône-et-Loire.

Typologie et spécificités des côtes viticoles :

  • Côte d’Uchizy et de Lugny : au nord, sur des sols argilo-calcaires, berceau des crus Mâcon-Villages et Mâcon-Lugny.
  • Côte de Viré-Clessé : haut-lieu du chardonnay, reconnu en AOC Viré-Clessé en 1998, sur des plateaux en pente douce situés entre 200 et 250 mètres d’altitude.
  • Côte Pouilly-Fuissé, Fuissé, Vinzelles, Saint-Véran : partez plein sud, et les paysages deviennent plus escarpés, encadrant les « roches » emblématiques (Solutré, Vergisson, etc.).

L’orientation au soleil, la fine bande de côte (parfois quelques centaines de mètres de largeur !), le mariage entre argiles et calcaires, confèrent à chaque terroir son caractère et expliquent la diversité aromatique des vins produits.

Une anecdote : c’est dans cette mosaïque de vignobles que, selon le cadastre napoléonien de 1826, le nombre de parcelles était le plus élevé de tout le Sud Bourgogne, reflet d’un morcellement hérité, entre autres, des donations aux abbayes et des partages familiaux.

Le Val Lamartinien : entre collines poétiques et patrimoine calcaire

À l’ouest de Mâcon s’étire le Val Lamartinien, ainsi nommé en hommage au poète Alphonse de Lamartine, natif de la région. Il correspond à une vallée suspendue, encadrée par des chaînes de collines calcaires entre Cluny, Milly-Lamartine, Prissé, Verzé et Pierreclos.

  • Relief : Altitudes allant de 250 à 500 mètres ; vallons couverts de vignes mais aussi de prairies et de bosquets.
  • Marques géologiques : Présence de nombreux affleurements calcaires, de grottes (comme celle d’Azé, vaste site préhistorique) et surtout des falaises emblématiques de Solutré et Vergisson.
  • Patrimoine : Églises romanes, châteaux (Pierreclos, Serrières), maisons vigneronnes et villages de pierres dorées.

Ce secteur est réputé pour son identité culturelle très forte. Il accueille, autour de Milly-Lamartine, La Roche Vineuse, Sologny, des microclimats favorables à la vigne mais aussi à l’élevage. C’est aussi un territoire de passage : jadis voie celte puis voie romaine, puis axe royal entre Bourgogne et Lyonnais.

Les poètes et peintres du XIX siècle, à l’image de Lamartine, y trouvaient les paysages les plus « émouvants » de Bourgogne du sud : succession de combes, de collines à pente douce, de hameaux perchés.

Les massifs rocheux : Solutré, Vergisson, Mont de Pouilly

Impossible d’évoquer les grandes unités géographiques du Mâconnais sans saluer la singularité des massifs rocheux : Solutré (493 m), Vergisson (485 m), Mont de Pouilly (485 m). Ces énormes éperons calcaires, jaillissant au-dessus de la plaine, forment un paysage unique dont la réputation dépasse les frontières régionales.

  • Formation : Il s’agit de vestiges du Jurassique, témoins d’une mer tropicale vieille de près de 160 millions d’années (voir Géologie de la Bourgogne du Sud - IPGS Strasbourg, et Parcours Géologique du Grand Site de Solutré).
  • Patrimoine préhistorique : Solutré fut occupée à la Préhistoire ; des milliers d’ossements de chevaux, issus de 25 000 ans de chasse, témoignent de ce riche passé (voir Musée de la Préhistoire de Solutré).
  • Paysage et biodiversité : Ces « roches » abritent une flore unique, méditerranéenne par endroits, et une faune protégée.

Fait intéressant : le Grand Site de France Solutré Pouilly Vergisson attire plus de 200 000 visiteurs par an, et reste le site naturel le plus visité de Bourgogne du Sud (source : Office de tourisme Mâconnais-Tournugeois, 2023).

Le plateau du Haut-Mâconnais et le bocage clunisois

Au nord-ouest du Mâconnais, le relief prend de la hauteur : le « Haut-Mâconnais », autour de Cluny, Tramayes, Matour, affiche des altitudes de 400 à 700 mètres. Ici commence la transition vers le Brionnais et le Charolais. Le paysage, profondément rural, juxtapose prairies, bocages, bois et pâturages.

Caractéristiques du Haut-Mâconnais

  • Relief : Succession de collines et de plateaux, entrecoupés de vallons encaissés, typiques du bocage bourguignon.
  • Paysages agricoles : Grandes parcelles d’herbe, élevages de charolais, haies vives qui structurent le paysage.
  • Climat : Saisons très marquées, avec des étés plus frais et des hivers rigoureux par rapport à la plaine.
  • Patrimoine : Haut-lieu de l’art roman, avec la célèbre abbaye de Cluny, mais aussi de nombreuses églises, ponts et châteaux ruraux.

Le bocage du Haut-Mâconnais préserve de nombreux chemins creux, « drailles » et « charmilles », aujourd’hui pistes de randonnée. D’un point de vue agricole, le clunisois est une terre d’élevage, au contraire du cœur viticole des côtes.

Un chiffre parlant : le nombre d’exploitations bovines en Haut-Mâconnais est environ cinq fois supérieur à celui des exploitations viticoles (donnée Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, 2021).

Les vallées transversales et petits bassins : Sâne, Grison, Arlois...

En marge des grandes unités précédentes, le Mâconnais se compose de multiples petites vallées secondaires, creusées par des rivières affluentes de la Saône ou de la Grosne. Parmi elles : la Sâne, l’Arlois, le Grison (autour de Laizé, Chevagny, Péronne), la Mouge ou la Petite Grosne.

  • Fonction : Ces vallées offrent des habitats privilégiés (villages-rues, hameaux « en fond », moulins), mais servent aussi d’axes de communication naturelle dans une région parfois cloisonnée.
  • Caractère géographique : Paysages plus humides, présence de ripisylves (« forêts de bord de rivière ») et de petits étangs.
  • Utilisation agricole : Prédominance des prairies naturelles et exploitations à taille humaine, avec polyculture.

Fait marquant : Certains de ces cours d’eau, peu visibles sur une carte, créent des microclimats impactant l’expression de la vigne. Par exemple, la vallée du Grison, qui remonte depuis la Saône jusqu’au cœur de la côte viticole, marque aussi la séparation naturelle de certains terroirs (donnée Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne).

Une région, des frontières : le Mâconnais vu à travers ses limites

Le Mâconnais historique correspond à peu près à l’arrondissement actuel de Mâcon, soit une portion qui chevauche quatre grands « pays » bourguignons : la Bresse au nord-est, le Charolais au nord-ouest, le Beaujolais au sud (au-delà de la Grosne), et le Val de Saône à l’est. Il s’inscrit dans une logique de transition ; ni montagne, ni vraiment plaine, à la fois terrien et ouvert sur la vallée.

  • Au nord : la « montagne de Chintreuil » et les premiers reliefs du Charolais.
  • Au sud : la Grosne marque la frontière avec le Beaujolais, territoire du gamay et des crus lyonnais.
  • À l’est, la Saône : limite naturelle entre Bourgogne et le Revermont (Ain).
  • À l’ouest : Le Haut-Clunisois amorce la transition vers le Massif Central.

Une anecdote : la frontière historique entre Bourgogne et Beaujolais a longtemps été un sujet de litige… Même aujourd’hui, on dispute la « paternité » de certains villages (Chaintré, Chasselas, Vinzelles), revendiqués tant par la Bourgogne que par le Rhône, selon les siècles et les appellations viticoles.

Pour aller plus loin : comprendre l’influence de la géographie sur la vie mâconnaise

Le Mâconnais, loin d’être un simple découpage administratif, est en réalité le fruit d’une histoire géologique, humaine et agricole qui se superposent à chaque courbe du paysage. Les grandes unités géographiques dessinent les usages : la plaine pour les grandes cultures, la côte pour la vigne, le bocage pour l’élevage, la roche pour l’identité patrimoniale et touristique.

C’est dans cette mosaïque que résident la richesse et la cohérence du territoire, ainsi que ses défis actuels : gestion de l’eau, préservation de la biodiversité, continuité des paysages, maintien d’une agriculture respectueuse du sol et du vivant. Chaque grande unité géographique du Mâconnais invite à la découverte, à l’observation et à la compréhension d’une région qui ne se livre jamais tout à fait d’un seul regard.

Sources :

  • Géologie de la Bourgogne du Sud (EOST Strasbourg, Parcours géologique Grand Site de Solutré)
  • Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB) – vins-bourgogne.fr
  • Chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire (Rapport activités 2021)
  • Office de Tourisme Mâconnais-Tournugeois
  • Musée de la Préhistoire de Solutré
  • Dictionnaire topographique de Saône-et-Loire (A. Jolibois)

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