La Saône et le Mâconnais : une rivière, mille influences sur un territoire

26/06/2025

Une présence fluviale qui façonne les paysages du Mâconnais

De Tournus à Mâcon, la Saône s’étire paresseusement à travers la Bresse et le Mâconnais, dessinant des paysages qui n’auraient pas la même douceur sans son ruban d’eau. Longue de 480 km (source : Service de navigation Saône), elle ne coule guère vite mais imprime ses rythmes au territoire. Ici, la plaine alluviale s’élargit : on retrouve, entre Gigny, Saint-Martin-Belle-Roche et Uchizy, des prairies inondables, des bras morts, des forêts humides et des haies où viennent se poser hérons cendrés et cigognes.

Sans la Saône, pas de mosaïque si caractéristique de milieux naturels : tout un puzzle d’écosystèmes uniques pour la région. La vallée de la Saône reste l’une des plus riches zones humides de Bourgogne, précieuse pour la biodiversité locale (source : Ligue de Protection des Oiseaux BFC).

  • Superficie inondable : près de 4 200 hectares dans le département de Saône-et-Loire.
  • Nombre d’espèces d’oiseaux nicheurs recensées : plus de 120.

Le rôle historique : la Saône, artère commerciale et culturelle du Mâconnais

Il suffit de longer les quais de Mâcon pour deviner l’importance de la Saône dans l’histoire du territoire. Dès l’Antiquité, le fleuve sert d’axe de circulation, reliant le sud de la France aux plaines du Nord : sur ses eaux circulaient sel, grain, vin, étoffes…

Mâcon, mentionné dès le Ier siècle sous le nom de Matisco, se développe en un port fluvial majeur au Moyen-Âge. Durant plusieurs siècles, la Saône fait office d’autoroute commerciale :

  • Pour le vin du Mâconnais, acheminé sur de grandes barques (“saônières”) jusqu’à Chalon, Lyon, puis la Méditerranée
  • Pour les ressources agricoles, notamment le foin, le bois, les céréales
  • Pour la pierre, extraite dans le Haut-Mâconnais et livrée par fleuve sur les marchés urbains

Au XIX siècle, la création du canal de Dérivation de Chalon ouvre la voie à de nouveaux échanges commerciaux tout en protégeant la navigation des crues soudaines de la rivière.

Aujourd’hui encore, la Saône demeure l’une des principales voies navigables de France. Près de 15 000 bateaux de plaisance la fréquentent chaque année, contribuant au passage de plus de 7 500 touristes-fluviaux à Mâcon et Tournus selon le Départements Tourisme Saône-et-Loire.

Un facteur déterminant pour la viticulture et l’agriculture du Mâconnais

C’est une réalité peu connue, mais la Saône a eu (et a encore) un impact direct sur la physiologie du vignoble mâconnais ainsi que sur l’agriculture de la plaine. Du point de vue géologique, la rivière a charrié et déposé pendant des millénaires des sédiments riches (argiles, limons, graviers), qui ont structuré les sols en une succession de terrasses fertiles.

  • Pour le vignoble : Même si les célèbres crus (Pouilly-Fuissé, Saint-Véran, Viré-Clessé…) poussent sur les coteaux calcaires, la proximité de la Saône influence l’humidité ambiante, le cycle hydrique des sols de bas de pente, et protège localement de certaines gelées par son effet de régulateur thermique.
  • Pour la plaine maraîchère : Entre Sennecé-lès-Mâcon et Saint-Jean-le-Priche, nombreuses sont les terres qui n’auraient pas les mêmes rendements sans le limon de la Saône. Elle favorise la culture de céréales, légumineuses et fourrage, autant que celle de l’élevage bovin charolais en bord de rivière.

Petite anecdote : jusqu’au XX siècle, certaines parcelles viticoles en faible altitude étaient appelées “vignes de Saône”, signe d’une exposition un peu plus fraîche et d’une maturation lente, parfois redoutée par les vignerons… mais parfois recherchée en année sèche.

Des risques et des ressources : la Saône entre crues et usages modernes

L’influence de la Saône, c’est aussi celle d’un fleuve au caractère imprévisible. Les grandes crues ont souvent marqué la mémoire collective du Mâconnais :

  • Crue de 1955 : l’une des plus spectaculaires du XX siècle, avec plus de 8 mètres relevés au pont de Mâcon (source : Archives départementales Saône-et-Loire).
  • Inondations de 1840 et 1856 : elles obligèrent la ville à concevoir des aménagements majeurs sur ses quais et la construction du Pont Saint-Laurent actuel.

Mais le fleuve fournit aussi des ressources essentielles. Son eau alimente une partie des réseaux de la Communauté d’Agglomération Mâconnais-Beaujolais Agglomération (MBA), garantit des zones de refuge en période de canicule, et permet le développement du tourisme vert (randonnée, vélo-rail sur les digues, pêche de loisir).

  • Pêche : plus de 2 800 permis délivrés sur le secteur chaque année (source : Fédération Pêche Saône-et-Loire)
  • Port de plaisance de Mâcon : plus de 260 emplacements à l’année

Vie locale et patrimoine : la Saône au cœur de la culture mâconnaise

Habiter près de la Saône, c’est vivre avec un rythme bien particulier. Sur les berges, de Mâcon à Fleurville, on croise pêcheurs du dimanche, joggeurs matinaux et familles en pique-nique lors des premières chaleurs. Plusieurs villages n’existeraient pas sans ces points de passage stratégiques que sont Saint-Laurent-sur-Saône ou Saint-Martin-Belle-Roche, autrefois lieux de péages, bacs ou ponts flottants.

  • Mâcon Plage : chaque été, la ville reconvertit les berges de la Saône en plage urbaine, animée de concerts et d’ateliers (près de 18 000 visiteurs l’été 2023 selon la mairie de Mâcon).
  • Les Fêtes du Pont : cet événement, qui célèbre le lien entre Mâcon et Saint-Laurent-sur-Saône, rappelle qu’autrefois la traversée du fleuve structurait la vie commerciale, religieuse et sociale de toute la région.

Le patrimoine bâti s’inspire lui également de cette proximité fluviale : anciens entrepôts portuaires reconvertis, vieux moulins, quais et ponts. Impossible de ne pas évoquer le Pont Saint-Laurent, dont les premières arches datent du XI siècle, ou les maisons sur pilotis rencontrées dans certains secteurs inondables. La culture mâconnaise s’est nourrie de contes liés à la rivière, de légendes de mariniers, et d’une cuisine où poissons de Saône (sandres, carpes) occupent une place de choix lors des fêtes de villages.

La Saône aujourd’hui : continuités et nouveaux défis pour le Mâconnais

Ce fil d’eau traverse un territoire en transition, où la qualité du vivant prime. La préservation des zones humides et la gestion durable de la ressource en eau sont plus que jamais d’actualité : près de 40 % de la surface des prairies naturelles du département dépendent de la régulation des berges de Saône (source : Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse).

Aujourd’hui, des efforts de renaturation se multiplient pour maintenir la faune (castors, brochets, libellules) et garantir la sécurité des riverains. De nombreux sentiers balisés invitent à redécouvrir la Saône à pied ou à vélo, tandis que les initiatives de Slow Tourisme rencontrent un public croissant.

  • Voie Bleue : la grande véloroute le long de la Saône attire chaque année plus de 20 000 cyclotouristes, dont près d’un quart s’arrêtent (au moins une nuit) sur le secteur mâconnais (Office de Tourisme Mâconnais)
  • Projets LIFE pour la biodiversité sur la basse vallée de la Saône : lutte contre les plantes invasives, restauration de bras morts…

Le Mâconnais vit toujours au rythme du fleuve. La Saône, loin d’être une simple frontière liquéfiée, est un acteur vivant du territoire : elle façonne les paysages, irrigue la mémoire collective, défie la technique comme l’imaginaire, inspire les promeneurs comme les artistes, et demeure le témoin silencieux de toutes les métamorphoses du sud bourguignon.

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